Tu n’as pas l’habitude de parler de toi à la deuxième personne du
singulier. Comme si les autres s’adressaient à toi en te disant elle.
Comme si tu vivais dans un monde où tout serait inversé. Un matin, tu
poserais le pied sur le plafond, tu te déshabillerais avant d’aller
travailler et ta moitié t’insulterait pour te souhaiter une bonne
journée. Tu tremperais des cubes de bourguignon dans de la graisse de
canard bouillie et puis tu enfilerais tes tongs avant d’aller patauger
gaiement dans la neige. Tout en étant toujours à poil, tu le rappelles
pour ceux qui n’auraient pas encore assez froid. Ton patron
t’annoncerait que pour te remercier tu passes de directeur à spécialiste
en récurage des WC ; un poste sénior, il tient à le préciser. Cette
rétromotion s’accompagnerait bien évidemment d’une diminution de salaire
mirobolante ! Faut pas déconner quand même, tu l’aurais bien méritée. Tu
passerais alors des journées entières postée, à poil mais en tongs, le
balai à chiottes à la main, devant la porte des cabinets.
Le pied intégral vu la longueur de ton CV. Il pourrait toujours te servir si jamais il y a rupture de stock de papier…
Le pied intégral vu la longueur de ton CV. Il pourrait toujours te servir si jamais il y a rupture de stock de papier…
***
Tu n’as pas l’habitude
de parler de toi. Étonnante affirmation. En es-tu sûr, toi qui aimes
parler à tort et à travers ; toi qui aimes tant être à tu et à toi avec
les autres sans vraiment savoir comment l’être avec toi.
C’est un détail en soi, c’est vrai. Alors, ça va : n’en parlons plus.
C’est un détail en soi, c’est vrai. Alors, ça va : n’en parlons plus.
***
Tu n’as pas l’habitude de parler. Tu te caches souvent derrière
l’autre si tu as à la chance de l’avoir près de toi. N’importe lequel du
moment qu’il te permet de participer en silence. Il y a des autres qui
savent animer, discuter, échanger, poser des questions sans jamais (se)
lasser. Ils sont chez eux partout, au milieu des autres. Les autres avec
les autres, et toi, là, en retrait.
Souris, va, souris. Ça, tu sais faire.
Souris, va, souris. Ça, tu sais faire.
***
Tu n’as pas l’habitude. De quoi ? Là, comme ça, tu ne vois pas.
Comment dire de quoi tu n’as pas l’habitude puisque tu n’en as pas
l’habitude. Ça ne te vient pas spontanément.
Tu n’as pas l’habitude de trouver de bons exemples de ce dont tu n’as pas l’habitude. Tout simplement.
Tu n’as pas l’habitude de trouver de bons exemples de ce dont tu n’as pas l’habitude. Tout simplement.
***
Tu n’as pas. Deux enfants. Dommage. De courage mais de la volonté. Étonnant. Trois chats. Pas dommage. Envie de te lever du canapé. Pour l’instant. De travail. Dommage… ou pas. Le temps. Récurrent (et/ou empirique, au choix). Le droit de dire des gros mots à la maison. Pas seulement. Trop d’idées d'où va te mener ce texte. Égarement (bien que tu affectionnes plus particulièrement le terme d’errance pour ce cas).
L’habitude. Finalement.
L’habitude. Finalement.
***
Tu n’as. Négation tronquée d’une vie en demi-plainte. Une main qui se
tend puis arrête son mouvement. Un sourire naissant et mourant presque
concomitamment. Un soleil intermittent derrière un flot de nuages forcés
par le vent. Une phrase suspendue dans le vide d’un non-dit évident.
L’ébauche d’un sentiment au sein d’un cœur glaçant.
Et une fin à tout ça car tu n’as pas franchement le temps…
Et une fin à tout ça car tu n’as pas franchement le temps…
***
Tu. Unique quand il s’adresse à toi et pourtant universel quand tous
les tu peuvent en profiter. Une opposition. Un paradoxe donc, en
constant désaccord avec toi-même sur la divergence discordante d’une
antithèse en synthèse dissemblante et en genèse disparate. Antinomie ou
Antonymie ? Chiasmatique s’il en est. Tout ça est toi. Tu es tout ça.
Alors pourquoi ne le vois-tu pas ?
Alors pourquoi ne le vois-tu pas ?
Pour les Impromptus Littéraires sur le thème de la semaine : autobiographie en tu.
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