dimanche 27 mai 2007

Le cid

Comment ai-je pu tant de temps les ignorer
Ces écrits de Corneille si doux et si rythmés ?
Comment jusqu'à 30 ans ne les ai-je reniés
Sans voir qu'au fond d'iceux mon cœur s'abimait ?

Le cid* m'a tour à tour captivée, subornée ;
De tant de réalisme me voilà donc charmée.
Et de passion contrainte en honneur offensé,
De cet ancien langage l'envie me prend d'user.

Voilà, c'est ainsi fait ... Le plaisir est fugace,
Sachons le faire durer avant qu'il ne s'efface
Et nous laisse orphelin.

                                 Qu'importe, il reviendra…


* CORNEILLE, Pierre. - Le Cid.
(Lu via le site de la Bibliothèque Universelle - http://abu.cnam.fr/index.html)

Nota Bene : la scène que j'ai préférée est, sans conteste, la scène IV de l'acte III. Je pourrais la relire des centaines et des centaines de fois, que les poils se dresseraient toujours sur mes bras :-)

dimanche 20 mai 2007

L'indéfinissable Benacquista

J'ai lu plusieurs des livres de Tonino Benacquista sur les conseils avisés d'un ami, tant bibliophile que bibliovore, et j'ai plus qu'apprécié cette découverte inspirée. Chacun de ses livres est différent et les émotions qu'ils suscitent le sont également.

Quelqu'un d'autre m'a laissé dans le trouble. Saga m'a profondément diverti sans pour autant me laisser indifférente à la réflexion. Puis La boîte noire m'a retournée le cerveau avant que je ne sois à nouveau soustraite à la réalité, ou presque, par Malavita.

Des thèmes aussi divers que variés y sont abordés : la peur du changement, le mensonge, la dépendance télévisuelle, la rédemption… Et tout cela avec beaucoup d'humour, d'ironie et un soupçon d'exagération parce qu'il ne s'agirait pas de se prendre trop au sérieux !

Sur les quatre lus, je ne vous parlerai cependant que de Quelqu'un d'autre.

Dans Quelqu'un d'autre, donc, les deux protagonistes, à la suite d'une soirée arrosée, n'hésitent pas à prendre le pari que dans trois ans, ils auront changé, tout changé, et auront trouvé le courage de devenir quelqu'un d'autre, celui qu'ils ont toujours voulu être. Et le "jeu" est lancé et chacun à sa manière cherchera cet autre par des moyens parfois extrêmes. La recherche identitaire de chacun est passionnante et met en scène un panel de personnage adéquat à l'identification.

Quant à nos deux héros, plus précisément, comment ne pas comprendre leur révolte. Qui n'a jamais eu envie d'être quelqu'un d'autre ? D'être ailleurs ? De tout plaquer pour recommencer plus loin, autrement, différemment ? De bazarder les petites choses du quotidien qui nous empoissonnent contre d'autres qui semblent mieux adaptées, plus faciles.

Mais est-ce le bon choix ? Et ne serait-ce pas faire le choix de la facilité ?

Le débat est ouvert et j'y reviendrais sûrement car il m'est cher. A priori, je reste cependant persuadée que : "A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire" (1) …


Benacquista m'aura, somme toute et malgré lui, offert une certitude : vouloir être quelqu'un d'autre pensant se trouver peut nous perdre.


BENACQUISTA, Tonino. - Quelqu'un d'autre - Editions Gallimard, 2002. Saga - Editions Gallimard, Poche, 1999. La boîte noire et autres nouvelles - Editions Gallimard, Poche, 2004. Malavita, Editions Gallimard, 2004.
(1) CORNEILLE, Le cid.

Tractatus logo mecanicus (pensum)

Ou la mécanique de la pensée mise en équation…

Jean-Michel ESPITALLIER s'est résolu à répondre par une prose poétique drôle et délicieuse au "Qu'appelle t'on penser ?".

J'en suis sortie avec quelques nœuds au cerveau et certains passages auront nécessité plusieurs lectures successives (point de compréhension possible sans silence…) mais j'en ai retiré un tel plaisir que je n'ai qu'une envie : le relire encore et encore !

Ne vous en passez plus ! :-)

ESPITALLIER, Jean-Michel. – Tractatus logo mecanicus (pensum) – Editions Al Dante, 2006.


dimanche 13 mai 2007

Photographie

"Photographie" sera donc le second mot sur lequel je m'étendrai. Non pas parce que je viens de le découvrir mais parce qu'autant que le procédé, il me transporte. Le sujet mérite, en effet, que l'on s'y attarde un instant et ce, d'autant plus, depuis qu'un de mes amis, lors d'un déjeuner, a lancé sur la table entre plat de résistance et café :"Qu'est-ce qui peut bien motiver le besoin qu'ont les gens de photographier tout et n'importe quoi à n'importe quel moment ?".
C'est donc à cette question que je souhaite répondre car je suis moi-même de ces "gens", ce qui me vaut que ma famille ne sache plus vraiment quelle tête j'ai si mon appareil photo n'est pas collé à mon œil...

Au plan étymologique, le mot photographie vient du grec "phôtos" (lumière) et "graphikos" (écriture).

Au plan définitionnel, la photographie est un ensemble de techniques permettant d'obtenir des images permanentes grâce à un dispositif optique produisant une image réelle sur une surface photosensible (1).

Nous voilà donc face à une représentation fixe et permanente du réel, d'un moment présent qui nous permettra dans le futur de revenir sur le passé. On appuie sur le déclencheur et présent, passé et futur s'en trouvent ainsi réunis.

Saisir l'instant présent et maîtriser un moment la fuite du temps. Un désir, presque un besoin, car le temps file sans nous, parfois presque contre nous. Il tisse nos vies bien trop vite sans que l'on puisse en saisir tous les instants, tous les éléments qui la composent. Faire perdurer ce qui ne devrait être qu'éphémère, le rendre à notre postérité : la photographie est donc un moyen d'en saisir plus et de pouvoir surtout y revenir.

Et c'est aussi figer les sourires et les moments de bonheur afin de pouvoir les invoquer plus tard, lorsqu'ils seront utiles, lorsque le ciel sera bas et lourds. Savoir qu'ils sont là permet parfois de dépasser les périodes difficiles, lorsque le quotidien nous étouffe. Car s'ils ont été, ils seront à nouveau, n'est-ce pas ? Il faut l'espérer en tout cas car le futur nous le doit…

La photographie c'est donc tout cela : profiter de l'instant, le figer pour plus tard et constituer une forme d'espoir.


(1) Laboratoire d'Analyse et de Traitement Informatique de la Langue Française - http://atilf.atilf.fr.

Amphigourique

Amphigourique est un mot orphelin de toute étymologie car d'origine inconnue. On en trouve cependant traces, les premières, dans des écrits datant du XVIIIème siècle.

Croisé dans le livre de Philippe AUDEGUY, Fils unique, je n'eus de cesse que d'en déterminer le sens. Et quelle ne fut pas ma surprise de découvrir qu'un mot si obscur signifia justement ce qu'il semblait être !

Un propos ou écrit amphigourique est en effet un "propos ou écrit involontairement confus et inintelligible en raison de l'incohérence des idées et de l'expression" (1).

Le Littré fait plus simple puisqu'il le définit comme n'ayant "ni ordre ni sens" (2).

Si "nébuleux", "ténébreux" et "sibyllin" en sont les synonymes les plus approchants, "galimatias" gagne à en être rapproché. Encore un trésor inutilisable de la langue française…

A mon tour de me sentir orpheline, car je vois mal comment je pourrais user de ce terme dans un avenir proche sans me faire proprement vilipender ! Mais je ne baisse pas les bras, j'y réussirai bien !

En tout cas, faites-en bon usage !

(1) Laboratoire d'Analyse et de Traitement Informatique de la Langue Française - http://atilf.atilf.fr
(2) http://francois.gannaz.free.fr/Littre/accueil.php

mardi 8 mai 2007

Ferme les yeux

Entre les deux précédents livres, Fils unique et L'élégance du hérisson, Ferme les yeux* de François GANTHERET m'a attardé une petite semaine. Pas plus d'une semaine, en effet, car le nombre de pages qui compose cet ouvrage ne le place pas en tête des responsables de la déforestation ! Il est donc vite lu. Heureusement peut être car avec plus de pages, je n'aurais sûrement pas réussi à atteindre la fin…
Et attardé car retardé eut été légèrement inconvenant pour une écriture dont je ne méconnais, cependant, pas la qualité.

Je ne renie ni la qualité de l'écriture donc, ni l'inventivité du thème. Cependant, ces éléments ne me l'ont pas pour autant rendu attachant, haletant, ni même vraiment plaisant.

Les métaphores de l'aveuglement se succèdent sans répit afin de mettre à jour la conclusion selon laquelle il n'y a pas plus aveugle qu'une personne qui voit et nous porter ainsi à fermer les yeux pour mieux voir ce qui devrait nous les crever. Le thème n'est pas nouveau et la tentative louable. Elle écœure cependant un peu et donne parfois envie de fermer les yeux, justement, sur tant de complaisance.

Tout cela m'est apparu trop formel pour susciter une véritable émotion. Dommage, une telle histoire moins édulcorée eut été apte à nous crever le cœur bien avant de nous crever les yeux.


* GANTHERET, François.- Ferme les yeux – Editions Gallimard, 2007

L'élégance du hérisson

Décrire avec détachement L'élégance du hérisson* est un exercice difficile tant ce livre est plein des questionnements auxquels tout un chacun se trouve un jour ou l'autre confronté.

Exercice d'autant plus difficile que les problématiques abordées sont des plus subjectives et que les réponses apportées par l'auteure ne sont pas toujours des plus positives. Qu'importe ! Ce livre a déjà le mérite de fournir de nouveaux matériaux à ma réflexion.

Il aborde ainsi et notamment :

* Le rapport hystérique des adultes à la mort "alors que c'est pourtant l'événement le plus banal au monde".

* Le thème inusable de l'opposition ancestrale entre désir et besoins : les besoins seuls doivent être satisfaits, le désir ne pouvant nous mener qu'à l'épuisement de nous-mêmes et à notre propre chute. Et pourtant, le moteur de nos vies n'est-il pas alimenté par nos désirs, même pure convoitise, plus que par la satisfaction de nos seuls besoins ?

* La force des préjugés millénaires hâtifs et préconçus  que rien ne semble pouvoir contrer puisque l'habit est censé faire le moine en toutes circonstances.

* Le sens de la vie que les propos tenus par l'auteur brouillent de manière ostensible et volontaire et pourtant invisible pour qui est tout à sa lecture.

* Notre condition de simple primate civilisé dont l'éducation constitue un "dérivatif à la pulsion de l'espèce".

Une critique exhaustive serait cependant un pari perdu d'avance tant la diversité des sujets dans un si petit espace enivre la réflexion.

Entre absurdité de l'existence et programmation de l'espèce humaine à éviter la souffrance par la manipulation de soi-même "pour que ne vacille point le socle de nos croyances", l'on retiendra peut être et justement que l'absurdité justifie de continuer à désirer malgré les souffrances. "L'éternité nous échappe(ra)" de toute façon...


* BARBERY, Muriel. – L'élégance du hérisson – Editions Gallimard, 2006.
Les citations sont issues de l'édition précitée et figurent, respectivement, aux pages 22, 112, 113 et 101.

Fils Unique

Comme il faut bien commencer par quelque part, je débuterai ce journal lexicalo-littéraire par le dernier né de Stéphane AUDEGUY - Fils Unique* - dont j'ai achevé la lecture au début de cette année.

Par un florilège de mots et de tournures de phrases oubliés, Stéphane AUDEGUY nous conte la vie de François Rousseau, frère inconnu et ignoré de et par Jean-Jacques Rousseau et réussit à rendre sublime le climat de libertinage outrancier et de violence catholiquement correcte qui régnait au XVIIIème siècle.

Au fil des images fortes et précises, tant les mots utilisés s'avèrent adéquates, la fin du livre se précipite jusqu'à nous plus rapidement qu'on ne le voudrait et c'est fort marri (1) que l'on atteint la dernière page et que l'on se trouve obligé de refermer ce livre.

Une traversée historique du Siècle des Lumières divertissante, précieuse et délectable qui m'aura permis d'enrichir mon vocabulaire de mots magnifiquement inutiles !


* AUDEGUY, Stéphane.- Fils Unique - Editions Gallimard, 2006.
(1) Déçu.


dimanche 6 mai 2007

C'est décidé, je me lance...

Plusieurs mois que je m'interroge maintenant : vais-je m'afficher ou pas sur le net ?
Une longue discussion avec moi-même (et le plus souvent contre...) pour aboutir enfin à une conclusion : cet affichage, somme toute masqué, pourra être ma catharsis, et le moyen en sera l'écriture.
Voilà pour le
but.

Venons-en au sujet : sur quoi pourrais-je écrire ?
Comme l'indique le titre de ce "blog" : le sujet de mes écrits en sera les mots qui m'inspirent tant au travers de leur forme qu'au travers de leur sens. Ces mots "comptent triple" que l'ère moderne met au rebus car une communication moderne se doit d'être simple, rapide et accessible à tous : phrases courtes (sujet-verbe-complément) et mots de deux syllabes maximum. Je le déplore. Quoi de plus explicite que le mot juste fait pour l'idée et ce quelles que soient les lettres qui le composent, quelle que soit sa longueur ?
Sans pour autant m'opposer à l'évolution des choses en même temps que la société, je déplore le largage irraisonné de tout et n'importe quoi, à commencer par le langage, simplement pour augmenter la vitesse car ainsi nous ne faisons qu'aller plus vite dans le mur...

Je souhaite donc, par mon action, rendre hommage à notre "
langue, cette richesse de l'homme, et (à) ses usages, cette élaboration de la communauté sociale, (qui) sont des oeuvres sacrées. Qu'elles évoluent avec le temps, se transforment, s'oublient et renaissent tandis que, parfois leur transgression devient la source d'une plus grande fécondité, ne change rien au fait que pour prendre avec elles ce droit du jeu et du changement, il faut au préalable leur avoir déclaré pleine sujétion" (Muriel Barbery, L'élégance du hérisson - Editions Gallimard, 2006).

Je déclare donc par la présente pleine sujétion à la langue française et à ses usages. Sujétion que je remplirai par le commentaire des idées et émotions que suscitent en mon for intérieur certains mots, sachant que je n'ai parfois d'autre choix que de céder à une furieuse envie de déformer les mots afin d'y faire entrer mon idée...

Les mots ne suffisent cependant pas : il faut leur donner une forme, les arranger entre eux, former des phrases que le langage comprend. C'est là qu'entre en jeu la littérature et les livres. Mais attention ne vous y trompez pas, je n'ai pas vocation a critiquer le fond et la forme d'une littérature moderne ou ancienne. Je n'ai pas été suffisament instruite à cela pour avoir dans cet exercice une quelconque légitimité. Mon envie est ici de communiquer sur les livres que je lis (d'aucuns disent "dévore") et surtout sur les émotions qu'ils suscitent et sur les idées qu'ils développent. Commenter ma vision, la confronter au monde, adapter ma sensibilité...
Les livres sont, "autre paradoxe du livre, cette clôture sur soi qui n'est qu'ouverture au monde extérieur, même si ce monde est fantasmé, figuré, réinventé" (Mazarine Pingeot,
Ils m'ont dit qui j'étais - Editions Julliard, 2003).

Voila donc pour les
sujets...

Toutefois, le terme "blog" en tant qu'anglicisme conceptuel des plus vagues me permettra sûrement dans l'avenir de faire évoluer le contenu du présent journal personnel en ligne, faculté que je me réserve ici et d'avance. Ainsi, toute réclamation postérieure quant au contenu présent ou à venir ne sera pas recevable.

Subir ou fuir : à vous de choisir ! :-)