"Des étoiles plein la gorge, Gilles renifle les mots de parfum qu'échangent entre eux les arbres et la fade exhalaison de la vie qu'on traîne."
Une de mes dernières lectures : Les lois de la gravité de Jean Teulé.
L'histoire (vite fait, je n'aime pas dévoiler ce genre de détail) : une femme a, dix ans plus tôt, poussé son mari par le fenêtre alors qu'elle avait prétendu qu'il s'agissait d'un suicide. Elle a des remords. Elle n'a que jusqu'à minuit pour se dénoncer sinon les faits seront prescrits. Le policier qui l'a reçoit, le lieutenant Pontoise, a trois heures pour l'en dissuader.
Ce petit livre, 138 pages, est glauque au possible. Il se déroule dans une cité noircie de Normandie (Cherbourg). Elle m'est apparue très noire en tout cas. Et pourtant, Jean Teulé trace de sa plume de telles images et de telles sensations... Un magicien !
"Elle continue à lui parler de son amour lapidé d'éclairs dans la chambre nuptiale entrouverte au monstre mais le flic ne l'entend déjà pratiquement plus. Il connaît les hommes à nerf de boeuf. (...) Certaines histoires n'arrivent pas à franchir sans dommage les lèvres de la dame. (...) Il en reste des cris éteints dans sa bouche."
Ce livre est dérangeant parce que réel. C'est cela : il est concret, il est visuel. Il tranche dans le vif sans jamais contourner pour habiller.
Au-delà des images, il y a les sujets abordés. Lourds de sens.
Jean Teulé y pose d'abord la question du remords : est-ce que ce que l'on a vécu peut justifier un crime et une absence de remords ? Notre vécu peut-il nous faire dire, comme le lieutenant Pontoise, que : "le remords, ça m'en touche une sans bouger l'autre" ? Doit-on dire la vérité un jour ou l'autre ? Ou bien peut-elle être tue lorsque "dire la vérité serait de la pure connerie" ?
Et face à la question du remord, dimension que l'on dira personnelle, il y a la dimension sociétale : la question de la prescription de l'action pénale et de la gradation des peines et des crimes. Je ne me lancerai ni dans le débat, ni dans une explication... Trop dur :/
Je vais me contenter de citer un passage du livre concerné et je vous laisserai méditer.
"On lui avait appris ce qu'était la prescription qu'on nomme aussi "Extinction de l'action publique"ou "Fin de la vengeance sociale". Fin de la vengeance sociale... une expression qui l'avait toujours épaté.
Il se rappelle certaines phrases du code de procédure pénale comme : "Un crime qui n'a pas été porté devant les tribunaux dans la limite du délai de prescription est estimé ne plus pouvoir être jugé" (article 6 et suivant).
Le droit m'étonnera toujours... Et le pire, c'est qu'historiquement, il y a une sûrement une très bonne explication à cette règle. M'enfin, moi, j'dis ça... j'dis rien... !
TEULE, Jean. - Les lois de la gravité. Pocket, octobre 2008.
Une de mes dernières lectures : Les lois de la gravité de Jean Teulé.
L'histoire (vite fait, je n'aime pas dévoiler ce genre de détail) : une femme a, dix ans plus tôt, poussé son mari par le fenêtre alors qu'elle avait prétendu qu'il s'agissait d'un suicide. Elle a des remords. Elle n'a que jusqu'à minuit pour se dénoncer sinon les faits seront prescrits. Le policier qui l'a reçoit, le lieutenant Pontoise, a trois heures pour l'en dissuader.
Ce petit livre, 138 pages, est glauque au possible. Il se déroule dans une cité noircie de Normandie (Cherbourg). Elle m'est apparue très noire en tout cas. Et pourtant, Jean Teulé trace de sa plume de telles images et de telles sensations... Un magicien !
"Elle continue à lui parler de son amour lapidé d'éclairs dans la chambre nuptiale entrouverte au monstre mais le flic ne l'entend déjà pratiquement plus. Il connaît les hommes à nerf de boeuf. (...) Certaines histoires n'arrivent pas à franchir sans dommage les lèvres de la dame. (...) Il en reste des cris éteints dans sa bouche."
Ce livre est dérangeant parce que réel. C'est cela : il est concret, il est visuel. Il tranche dans le vif sans jamais contourner pour habiller.
Au-delà des images, il y a les sujets abordés. Lourds de sens.
Jean Teulé y pose d'abord la question du remords : est-ce que ce que l'on a vécu peut justifier un crime et une absence de remords ? Notre vécu peut-il nous faire dire, comme le lieutenant Pontoise, que : "le remords, ça m'en touche une sans bouger l'autre" ? Doit-on dire la vérité un jour ou l'autre ? Ou bien peut-elle être tue lorsque "dire la vérité serait de la pure connerie" ?
Et face à la question du remord, dimension que l'on dira personnelle, il y a la dimension sociétale : la question de la prescription de l'action pénale et de la gradation des peines et des crimes. Je ne me lancerai ni dans le débat, ni dans une explication... Trop dur :/
Je vais me contenter de citer un passage du livre concerné et je vous laisserai méditer.
"On lui avait appris ce qu'était la prescription qu'on nomme aussi "Extinction de l'action publique"ou "Fin de la vengeance sociale". Fin de la vengeance sociale... une expression qui l'avait toujours épaté.
Il se rappelle certaines phrases du code de procédure pénale comme : "Un crime qui n'a pas été porté devant les tribunaux dans la limite du délai de prescription est estimé ne plus pouvoir être jugé" (article 6 et suivant).
Le droit m'étonnera toujours... Et le pire, c'est qu'historiquement, il y a une sûrement une très bonne explication à cette règle. M'enfin, moi, j'dis ça... j'dis rien... !
TEULE, Jean. - Les lois de la gravité. Pocket, octobre 2008.
"Et le pire, c'est qu'historiquement, il y a une sûrement une très bonne explication à cette règle. M'enfin, moi, j'dis ça... j'dis rien... !"
RépondreSupprimerBen là t'en as trop dit ;-))
J'aime bien les petites histoires de la grande histoire
Tu nous la racontes, dis ?
Faut que je me lance dans des recherches pour ça... Un retour en arrière dans mes années de fac que je ferais avec un réel plaisir tant mon année d'histoire du droit était hyper intéressante :o)
RépondreSupprimerReste à trouver le temps !
Je le note :)
"Il en reste des cris éteints dans sa bouche."
RépondreSupprimerIl y a des mots qui arrêtent le monde !
Minimifa > C'est exactement cela... Merci de ton passage.
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