Dès les premiers signes d’attention de l’autre,
je m’engouffre, m’ouvre et me vautre
je m’enchaîne et m’assujettie
Donne jusqu’à ce que je suis
Je gratte jusqu’à la moindre parcelle
Je racle à l’ongle le fond d’ma cervelle
D’mon caractère, d’mes émotions
Je distribue valeurs et sentiments,
Entre avec moult élans
En débordement, transports et effusion
Je dilapide et dépense
Jusqu’à mes moindres défenses
Sans jamais avoir l’impression de gaspiller
Car il me rendra bien au centuple
Toute la tendresse donnée
(Qui a dit « dupe » dans l’assemblée ?)
Car l’autre c’est moi
Et Je suis l’autre, en soi
Me voilà enfin
Au bout du chemin…
J’oublie alors que seul le chemin compte
Et qu’en accordant de si fortes remises d’acomptes
J’entame le solde déjà tout dépourvu
de ce que je n’ai jamais reçu…
Car je distribue même ce que je n’ai pas
Car je distribue surtout ce que je n’ai pas
Pensais en retour que ça se reçoit
Et creuse ainsi un peu plu’
le gouffre d’amour, avide, enfoui en moi
Si immense, tant aigu
Sur les bords, sanguinolent
Sombre, sale et, infini, simplement
Et l’autre donne donne donne
Rendant mon manque, un temps, aphone
Beaucoup au début
Un tel parfum d’inattendu
Plus que je ne croyais en vouloir
Plus que je n’absorbais, en pouvoir
Et un jour, cela s’arrête
Lentement, reste à traîner quelques miettes
L’autre ferme les vannes
« Désolée, ma belle, c’est
la panne »
Il a atteint ses limites
L’union se délie en plein coït
Sauf que moi, je continue
Sauf que moi, je n’ai pas vu
Le repli amorcé
La fin annoncée
Refusant de voir l’envahissante vérité
de ma faim démesurée
Je m’éparpille, je donne encore
ce que je n’ai toujours pas
ce que je n’ai déjà plus
Je me vide, m’évide, me creuse de l’intérieur
gardant intacte la coque extérieure
que je crois protectrice
Du sépulcral abysse
De l’image que je donne au monde
Où se planque ma bête immonde
Toujours plus démunie,
Encore plus impuissante
La souffrance m’envahit
La place est libre, elle s’établit
Je la combats à coups de dérobade
Mangeant mes émotions dans une indécente mascarade
Un brouillard s’assoit
Sur ma tête, mon cœur et mes bras
Il m’écrase de tout son poids
A moins qu’il n’ait toujours été là ?
J’agite la main, sans faim
Pour le dissiper, en vain
Le lien a disparu
Je ne m’appartiens plus
***
Me suis-je jamais appartenue ?
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